Un PLFSS 2023 qui manque de crédibilité

Le 7 novembre 2022, le Sénat a débuté l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. En tant que rapporteure générale de la commission des affaires sociales, je suis intervenue pour exprimer mes doutes sur la sincérité de la trajectoire financière fixée par le Gouvernement.

Car les incertitudes sont grandes sur l’impact financier de la crise sanitaire en 2023 et dans les années ultérieures. Car nous voyons bien l’ampleur des besoins de santé, l’ampleur des attentes en matière de rénovation de l’hôpital. Car le contexte inflationniste fausse les prévisions initiales.

Avec la majorité sénatoriale, je défendrai une approche responsable de ce PLFSS. Je rejetterai la sincérité douteuse et l’absence de dimension stratégique proposée par le Gouvernement. Je proposerai de véritables mesures d’équilibre: de nouvelles recettes et une méthode pour réformer les retraites.

Audition sur l’application de la loi de financement de la Sécurité sociale

Le 5 octobre 2022, la commission des affaires sociales a auditionné Pierre Moscovici, premier président de la Cour des Comptes, sur l’application de la loi de financement de la Sécurité sociale.

J’ai pu l’interroger sur la trajectoire financière 2023-2026 décrite par le PLFSS, en particulier au regard de l’évolution des recettes et de celles des dépenses de la branche maladie, qui peuvent paraître optimistes. Cette même trajectoire, qui fait apparaître des déficits de plus en plus lourds sur la branche vieillesse, invite à penser qu’une réforme des retraites correctement calibrée suffirait à ramener la sécurité sociale à un équilibre financier global, et même à envisager une extinction de la Cades en 2033.

Retrouvez ci-après la vidéo de l’audition de la Cour des Comptes: http://videos.senat.fr/video.3011719_633d5a5f2a3e2.audition-de-pierre-moscovici-sur-l-application-des-lfss?timecode=1252000

Améliorer la qualité du système de santé : audition du directeur général de l’Assurance maladie

Le mercredi 20 juillet 2022, la commission des affaires sociales du Sénat a auditionné Thomas Fatôme, directeur général de la caisse nationale de l’assurance maladie. Il a pu présenter les propositions de l’assurance maladie pour 2023 afin d’améliorer la qualité du système de santé tout en maîtrisant les dépenses.

Ce rapport permet « d’éclairer la préparation et les débats du projet de loi de financement de la sécurité sociale et, plus largement, des politiques de santé ».

Dans le quotidien de nos concitoyens et après deux années de crise sanitaire, nous constatons des difficultés à tous les niveaux : accès aux soins insuffisants dans de nombreux territoires, fermeture de lits à l’hôpital faute de professionnels, fermeture temporaire des urgences, etc.

Si le rapport de l’assurance maladie avance des mesures concrètes pour 2023, j’ai interpellé le directeur sur le décalage entre ces propositions et les moyens de mise en oeuvre sur le terrain.  

La prise en charge des patients par les équipes médicales demande un investissement humain important. L’accompagnement des malades est un travail pluridisciplinaire individualisé chronophage. Ainsi, j’ai souhaité interroger le directeur sur la capacité des équipes à augmenter le nombre de patients, comme suggéré dans le rapport, de 1000 à 1200 patients.

Je suis aussi intervenue lors de cette audition pour appeler à des efforts en matière de prise en charge :

  • des solutions numériques innovants qui permettent de soulager la douleur des patients ;
  • des fauteuils roulants pour les personnes handicapées.

En tout état de cause, la situation inédite demande de répondre, ensemble, à un grand défi, celui de retrouver l’excellence du système de santé français.
Pour visionner l’audition de M. Thomas Fatôme: http://videos.senat.fr/video.2958633_62d7973201e0b.assurance-maladie–quelles-reformes–?timecode=4900000

Lois renforçant le contrôle du Parlement sur les finances sociales: adoption définitive

Mercredi 9 février 2022, le Sénat a adopté sans modification et définitivement les propositions de loi organique et ordinaire relatives aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS). 

En effet, la majorité sénatoriale « considère que le texte adopté par l’Assemblée nationale, s’il n’est pas aussi ambitieux que celui qu’avait voté le Sénat, constitue un équilibre satisfaisant entre les positions initiales des deux assemblées ».

Le compromis qui nous est proposé se situe à mi-chemin de ces deux visions. Je salue la ténacité de notre rapporteur, Jean-Marie Vanlerenberghe, qui a mené la négociation avec le rapporteur de l’Assemblée nationale et le Gouvernement.

Nous n’étendrons pas cette fois-ci la compétence des Lois de financement de la sécurité sociale à l’assurance chômage. Nous n’instaurerons pas davantage de « règle d’or » pour imposer un retour à l’équilibre des comptes sociaux.

Néanmoins, malgré ces manques réels, je préfère retenir le verre à moitié plein. Je me félicite que l’Assemblée nationale ait repris les « clauses de retour au Parlement ».

Le Parlement a été délibérément ignoré par le Gouvernement en 2020 et en 2021, alors même que le budget de la sécurité sociale dévissait fortement. Aucune loi rectificative n’a été possible contrairement au budget général. Un tel état de fait n’est pas acceptable. À l’avenir, le Gouvernement devra s’expliquer devant les commissions des affaires sociales des deux assemblées et demander leur avis en cas de remise en cause de l’équilibre financier de la sécurité sociale déterminée par la LFSS.

L’information à retenir : ces deux lois visent à renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement sur les finances sociales et à définir l’équilibre des pouvoirs entre les institutions de la République en matière de finances sociales.

MEMENTO:

  • Qu’est-ce qu’une loi organique?

Les lois organiques sont des lois qui prolongent directement la Constitution. De fait, elles se situent au-dessus des lois ordinaires, mais en dessous de la Constitution, dans la hiérarchie des normes.

  • A quand remontent les dernières LOLF et LOLFSS ?

En 2021, une nouvelle loi organique réforme le cadre des finances publiques, 20 ans après l’adoption de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Elle améliore la qualité des discussions budgétaires et consolide le rôle central du Parlement dans l’examen et le contrôle des finances publiques.

Depuis la création des LFSS en 1996, une seule réforme d’envergure a été menée, en 2005, il y a donc déjà 16 ans.

Budget de la Sécurité sociale : des déficits records et des avancées disparates

Face à l’ampleur du déficit de la sécurité sociale, la majorité sénatoriale a décidé de :

  • passer la contribution exceptionnelle des mutuelles pour 2021 de 500 millions à un milliard d’euros au profit de la branche maladie dans un principe de solidarité ;
  • faire compenser par le budget de l’État la dotation de la sécurité sociale à l’agence Santé publique France qui remplit des missions de l’Etat, comme la gestion de crise sanitaire ;
  • s’opposer au transfert de treize milliards d’euros de dettes et d’investissements hospitaliers à la CADES qui n’est pas un fonds d’investissement ;
  • fixer par la loi les dotations de la sécurité sociale aux fonds et organismes qu’elle finance ;
  • rejeter la nouvelle trajectoire pluriannuelle de recettes et de dépenses de la sécurité sociale pour dénoncer l’absence de stratégie d’extinction de la dette.

Le Sénat a également adopté les mesures suivantes :

Droits sociaux et agriculteurs

  • améliorer les droits des travailleurs indépendants en dérogeant à la limitation à cinq ans de la possibilité d’exercer sous le statut de conjoint collaborateur de chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale.
  • pérenniser le dispositif d’exonération lié à l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles (TO-DE).

Organisation des professionnels de santé

L’accès aux soins restant très problématique sur de nombreux territoires, le Sénat a voté en faveur d’activités élargies aux paramédicaux tout en les encadrant:

  • réalisation par les orthoptistes de bilans visuels ou de dépistages ;
  • expérimentation de l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes sans prescription médicale, lorsqu’ils exercent dans une structure de soins coordonnée ;
  •  expérimentation de l’accès direct aux orthophonistes ;
  • dispositif de prise en charge de séances d’accompagnement par un psychologue.

Médicaments

  • autoriser le pharmacien à fournir les médicaments et dispositifs médicaux pendant un mois de traitement aux patients.

Retraite

  • charger une conférence de financement de formuler des propositions mobilisant les différents paramètres qui influent sur le solde de la branche vieillesse.

Autonomie

  • fixer un tarif plancher des services autonomie à domicile tous les trois ans pour en limiter la complexité de gestion, notamment pour les départements.

Handicap

  • garantir le libre-choix du fauteuil roulant de la personne en situation de handicap, en encadrant le référencement sélectif.

Budget de la Sécu : le Sénat veut taxer les mutuelles de 500 millions d’euros supplémentaires

J’ai été interviewée en amont de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 par la chaîne Public Sénat pour parler de ma proposition de doubler l’effort financier demandé aux mutuelles afin de répondre à cet enjeu de solidarité envers notre système de santé.

En effet, ces dernières ont réalisé plus de 2 milliards d’euros d’économie en 2020 suite à la déprogrammation et au report de nombreux soins.

Retrouvez l’article de Public Sénat sur : https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/budget-de-la-secu-le-senat-veut-taxer-les-mutuelles-de-500-millions-d-euros?fbclid=IwAR39LgukALI00OeqtJmpxw89lPzAWnsuvRDR8mxd7KbUK7Gpi4edF-3Bo8k

PLFSS 2022: Audition des ministres

Jeudi 14 octobre 2021, la commission des affaires sociales du Sénat a auditionné le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, la ministre en charge de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon et le ministre en charge des comptes publics, Olivier Dussopt dans la perspective de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.

Ce PLFSS est le dernier du quinquennat et cela se sent. En effet, toute mesure d’économie en semble exclue.

S’il est heureux que la sécurité sociale ait joué pleinement son rôle d’amortisseur pendant la crise, avec l’appui du Sénat, rien dans ce PLFSS ne permet d’envisager un retour des comptes sociaux à l’équilibre, même à moyen terme.

 Nous sommes loin de l’esprit de responsabilité que nous devons incarner vis-à-vis des générations à venir.

En tant que rapporteure générale, je ne peux me satisfaire d’une stabilisation du déficit à un niveau très élevé (environ quinze milliards d’euros) à partir de 2024.

J’aurai à cœur de porter un regard exigeant sur ce texte et de formuler des propositions qui iront dans le sens d’une meilleure maîtrise des comptes de la sécurité sociale.

En tout état de cause, le prochain quinquennat devra se saisir à bras le corps de l’avenir de la dette sociale en mettant en oeuvre des réformes structurelles concertées avec les Français.

Renforcer le contrôle du Parlement sur les finances sociales

Le 28 septembre 2021, le Sénat a adopté la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS). Elle vise à moderniser l’examen de ces lois et à renforcer le contrôle du Parlement sur les finances sociales en le dotant de nouveaux outils d’évaluation.

Elle propose ainsi de créer une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS) qui viendra en complément de la loi de financement de la Sécurité sociale. Elle permettra de constater et d’analyser l’exercice clos sur un temps distinct, quand cet examen est aujourd’hui trop vite évacué en première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Elle tend  également à aligner le calendrier de dépôt des projets de LFSS et d’approbation des comptes de la sécurité sociale sur celui des projets de loi de finances et de règlement. Cela se justifie du fait d’un délai de dépôt trop tardif à l’heure actuelle pour permettre le plein exercice du droit d’amendement notamment à l’Assemblée nationale. Concrètement, cela offrirait une semaine de réflexion supplémentaire aux députés.

Le Sénat a complété utilement la proposition de loi en intégrant des « clauses de retour devant le Parlement » afin de ne pas dessaisir chaque année le Parlement de la gestion de la sécurité sociale tantôt la LFSS adoptée.

En ce sens, j’ai porté un amendement visant qu’en cas de rupture des équilibres financiers votés le Gouvernement devra présenter au Parlement un rapport détaillant les raisons des dérapages financiers et actualisant les prévisions des crédits votés.

Enfin, à compter du PLFSS pour 2025, sera instaurée une « règle d’or » afin d’assurer l’équilibre des comptes sociaux à moyen terme et ainsi de cesser de confier aux futures générations la gestion et le remboursement de la dette sociale.

Il est de notre devoir de leur transmettre un système de santé pérenne et performant ainsi que de leur garantir un niveau de retraite décent.  

Audition de la Cour des Comptes sur la réanimation et les soins critiques

Le mercredi 22 septembre 2021, la commission des affaires sociales a auditionné Madame Véronique Hamayon, conseillère maître et présidente de section à la Cour des Comptes, suite à la publication de l’enquête sur la situation de la réanimation et des soins critiques en France.

La crise sanitaire a mis en évidence les limites de notre système de soins critiques : nombre de lits insuffisant, manque structurel de professionnels de santé, absence d’organisation territoriale.

J’avais interrogé le ministre de la Santé, Olivier Véran, sur cette situation en avril dernier.

Le nombre de lits

Selon ce rapport, la France présente un taux d’équipement en lits de soins critiques proche de celui de l’Allemagne qui est souvent cité en exemple avec 28,8 lits pour 100 000 habitants, contre 33,9 pour l’Allemagne.

Cependant, face au vieillissement de la population, notre capacité de prise en charge s’essoufle : « Pour la réanimation, le nombre de lits progresse de 0,17 % par an, soit dix fois moins vite que l’augmentation des effectifs de personnes âgées (+ 1,7 % par an), qui constituent pourtant près des deux tiers des malades hospitalisés dans ce secteur. […] Si la France avait conservé son ratio nombre de lits/population de plus de 65 ans de 2013, elle aurait disposé, au début de la crise covid, de 5 949 lits de réanimation adultes, contre 5 080 constatés au 1er janvier 2020 », soit 869 lits de plus !

Un manque de professionnels de santé en réanimation associé à un manque de reconnaissance

Indépendamment de la crise actuelle, l’Hôpital subit un manque structurel de personnel médical et paramédical dans les services de réanimation.

Sur les plus de 8 000 postes ouverts chaque année aux internes, seuls 74 (+2 par rapport à l’année passée) sont réservés à la médecine intensive-réanimation (MIR), soit moins d’1% des postes ouverts. Ils sont portés à 95 pour la nouvelle année, ce qui est encourageant mais trop peu par rapport à la demande des professionnels qui appellent à un doublement des internes au plus tôt.

Si les infirmières générales sont les piliers des services de réanimation, elles n’apprennent plus les bases de la réanimation pendant leur formation initiale.

Il leur faut six semaines de compagnonnage et en tout près d’un an pour être parfaitement autonomes. Or, le turn over est important dans les services avec une moyenne de mouvement tous les deux à trois ans. Cela s’explique grandement par l’absence de statut spécifique et de valorisation de leur métier, afin de fidéliser ce personnel.

L’absence d’organisation territoriale

L’enquête relève : « Comme dans la plupart des pays, il n’existe pas en France un modèle d’organisation territoriale des soins critiques (structuration, modalités de recours, coopération entre unités). […] « Il prévaut [en France] une fragmentation de l’offre, avec ou sans coopération entre offreurs de soins. La régulation est faite de gré à gré, le plus souvent par des acteurs qui se mobilisent autour des patients et cherchent, au cas par cas, le meilleur parcours à leur offrir ».

Cette absence d’organisation territoriale est en grande partie à relier aux insuffisances du décret précité du 5 avril 2002, qui n’a imposé aucun modèle d’organisation précis, aucune méthodologie partagée, ni même aucun territoire sur lequel une telle organisation puisse être réfléchie. Pour pallier cette carence, les groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont souvent été mobilisés durant la crise par les agences régionales de santé (ARS) à un niveau qui dépasse les missions dévolues à ces groupements par la loi. »

Et de conclure, « si la mobilisation sans précédent du secteur des soins critiques durant la crise a permis de faire face à l’urgence, avec cependant des conséquences à long terme inconnues en termes de santé publique, ces services étaient mal préparés à affronter une telle situation. Ce constat appelle des réformes structurelles » telles que la revalorisation du statut des infirmiers en réanimation, la prise en compte du vieillissement de la population ou encore l’instauration d’un modèle d’organisation et de coordination des soins critiques au niveau national.